Bernard Werber
Image: AFP/JOEL SAGET
Par Cécile Lecoultre
L'autre rentrée littéraire
Bernard Werber se moque d’écrire de la «littérature de (mauvais) genre» selon l’intelligentsia française. L’homme aux multiples réincarnations publie… «Depuis l’au-delà»
Alors que la rentrée littéraire bat son plein déboulent les «polardeux». Soit la littérature de genre. Ou plutôt, de mauvais genre. Werber y trône, lui qui se pique d’avoir vécu de multiples réincarnations. «Si j’y crois? Je vous répondrai dans une autre vie.» Ecrivain de stature mondiale depuis la trilogie des Fourmis, le Toulousain publie un spécimen de parfait hybride, Depuis l’au-delà. Partant d’un auteur qui enquête sur son propre assassinat, il donne dans le polar mystique, la comédie de science-fiction ou le précis de philosophie. L’ouvrage résiste aux étiquettes. Ou colle à toutes. L’ex-journaliste scientifique insiste sur le soin apporté à la précision des faits au cœur d’intrigues farfelues. Avec brio, il se targue de converser avec de géants confrères tels Arthur Conan Doyle, partage son adoration pour Hedy Lamarr, règle quelques comptes avec l’intelligentsia parisienne. «C’est un doux plaisir de déplaire aux critiques qui n’aiment que les livres ennuyeux», confie son alter ego dans cette saga fiévreuse. «La littérature de genre, commente-t-il, a toujours été méprisée. Victor Hugo déjà… J’y vois l’influence du milieu universitaire qui a décidé que ce type d’écrits se destinait à la jeunesse. Donc cela ne pouvait pas être sérieux.»
Notant qu’il suffit de traverser la Manche pour trouver des Anglo-Saxons beaucoup plus élogieux sur la discipline, l’auteur énumère: «Aldous Huxley, George Orwell, etc. Désormais, je me sens parfois très seul, comme un arbre dans le désert, vaporisé de désherbant.» Derrière les lunettes rondes, le regard pétille. Le quinqua affiche un charme voyou, plus qu’une aura de vieux sage. Et ne déteste pas provoquer. L’autofiction, si nombriliste par définition, l’énerve prodigieusement. «Cette manie! Il reste beaucoup plus complexe d’inventer des personnages, de créer un monde. Parler de soi, c’est juste bon pour Facebook.» Il y tient un blog test où il lance des embryons d’histoire puis compte les clics. «Je viens de tomber sur le syndrome de Procuste, un Grec qui haïssait la réussite des autres. Il s’acharnait à détruire la singularité, plutôt qu’à construire sa renommée. Au-delà, que dire… Sinon qu’il y a les bons bouquins. Et des mauvais.»
Depuis l’au-delà, Ed. Albin Michel