La schizophrénie c'est le fait de prendre un monde artificiel pour un monde réel. Quand je suis dans une partie d'échecs, je suis en schizophrénie: je ne vois plus le monde, tout ce qu'il y a autour ne m'intéresse plus, je n'entends plus, je suis entièrement projeté là-bas. J'ai la même sensation quand je joue à "Civilisation" ou à "War Craft 2", et j'ai la même sensation quand j'écris. Je suis coupé du monde et en fait, je fuis le monde.

Quand j'écris, je suis dans un ailleurs qui est mieux que le réel et je redoute de m'y sentir tellement bien que je n'aie plus envie de revenir.

Ce qui me fait revenir, c'est le fait qu'ici soit malgré tout, par moments, sympathique. J'y reviens quand j'ai une muse. Quand j'ai une petite amie qui m'aime et que j'aime, je me sens bien ici, je réatterris. Mais sinon, quand j'ai des problèmes dans mon quotidien, j'ai envie de rester là haut.

C'est l'albatros du poème de Baudelaire: ses grandes ailes le gênent pour marcher. Dans ce monde ci j'ai un quotidien qui est pénible: je suis d'une gigantesque maladresse. Le fait que je soit écrivain fait que, par moments, on m'accorde des circonstances atténuantes, mais je ne suis pas adroit, ni très débrouillard, ni très intelligent pour ce monde ci. Je fais le strict minimum, en essayant de ne pas vexer et de ne pas faire de mal autour de moi. Il n'y a que quand j'écris que je me sens vraiment bien dans ma peau.